Les uropathogènes émergents : qu’est-ce donc ?!

Il vous est certainement arrivé, en épluchant les résultats microbiologiques de vos patients, de tomber (aïe) sur une bactérie dont vous n’aviez jamais entendu parler. Si certaines sont à mettre de côté du fait de leur état de simple contaminant, ce n’est pas le cas d’un certain nombre de bactéries que l’on a vu arriver récemment dans nos compte-rendus d’ECBU.

Ces « uropathogènes émergents » comptent principalement quatre genres bactériens : Aerococcus, Actinobaculum, Trueperella et Alloscardovia. Ce ne sont pas, à proprement parler, de nouvelles bactéries. Le genre Aerococcus, par exemple, est connu depuis 1953. Si on commence à peine à en parler c’est que leur culture et leur identification ne sont pas évidentes dans les conditions de routine. La donne a changé avec les avancées technologiques en bactériologie, et notamment la diffusion de la spectrométrie de masse. Nous serons donc amenés à les croiser de manière plus fréquente.

Pourquoi en parler ?

Déjà, parce que ces bactéries, si elles restent peu fréquentes, ne sont toutefois pas rares dans les infections urinaires communautaires, en particulier chez le sujet âgé et/ou porteur d’une sonde urétrale à demeure.

Ensuite, leur pouvoir pathogène est bien avéré, même si ces bactéries méritent d’être plus étudiées et mieux connues.

Enfin, leur sensibilité aux antibiotiques semble différer sensiblement des autres uropathogènes standard (notamment les entérobactéries), bien que la plupart de ces bactéries soient tout de même sensibles aux bêtalactamines. Par exemple, la sensibilité de Aerococcus urinae au cotrimoxazole, molécule majeure dans le traitement des prostatites, semble débattue. Actinobaculum schaali est généralement résistant au cotrimoxazole et aux fluoroquinolones de première génération (par exemple la norfloxacine) et semble plus sensible aux fluroquinolones de deuxième génération (comme la levofloxacine).

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Quelles atteintes ?

Ces « uropathogènes » sont incriminés à la fois dans des cystites, des infections urinaires parenchymateuses (pyélonéphrites, prostatites) mais aussi dans des urosepsis graves (sepsis sévère ou choc septique). Dans les choses à savoir, il y a également les autres atteintes de ces bactéries : notamment les bactériémies, endocardites (avec une forte capacité à produire du biofilm et activer les plaquettes).

Une mise au point bien faite, sans être trop spécialisée, a été publiée récemment en français dans la revue Progrès en Urologie. Je m’en suis (très) largement inspiré, et le tableau récapitulatif ci-dessus en est tiré.

En conclusion :

Si vous voyez une bactérie inconnue au bataillon dans un ECBU, ne jetez pas le compte-rendu à la poubelle ! Prenez-garde à son antibiogramme et, si le patient est symptomatique et justifie d’une antibiothérapie, choisissez la molécule sensible avec la meilleure diffusion et le spectre le plus étroit.

D’un autre côté, si vous êtes confronté à des infections urinaires récidivantes inexpliquées, ou à un échec inexpliqué des molécules de référence (quinolones, cotrimoxazole), n’hésitez pas à discuter avec votre microbiologiste de la possibilité d’une infection à un uropathogène émergent.

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